Conchyliculture …

 Quand on parle de Concarneau au Sénégal ….
  Région de La Somone, proche de Mbour
Norbert Jan a implanté des naissains d'huîtres français depuis plus de quinze ans au Sénégal.
  • Norbert Jan a implanté des naissains d’huîtres français depuis plus de quinze ans au Sénégal. 

Le Breton Norbert Jan a importé des naissains d’huîtres français qu’il a acclimatés aux eaux chaudes de la Somone, un petit village touristique sur la Petite-Côte, au Sénégal. Un pari fou auquel personne ne croyait. Mais dans la mangrove africaine, tout est possible.DSC03482

« Beaucoup n’y croyaient pas », lâche l’homme, en jetant un regard vers son parc à huîtres. Deux ramasseurs de coquillages les trient soigneusement sous un soleil de plomb. Les grosses seront sorties de l’eau dans six semaines. Les petites retournent dans leurs filets.

Norbert Jan se targue de faire partie de la race des obstinés. Un Breton, un vrai. À 55 ans, ce Morbihanais de Crac’h peut se féliciter d’avoir déjoué les pronostics les plus pessimistes des experts français de la conchyliculture… « On m’a dit que je ne réussirai jamais à faire des huîtres au Sénégal », lâche l’inébranlable entrepreneur.DSC03483

Il est vrai que son projet peut paraître, de prime abord, ambitieux. Importer des naissains français pour les faire flotter au milieu de la mangrove africaine : il fallait oser. Surtout que dans cette lagune, les eaux oscillent entre 25 et 35 degrés en fonction des saisons.

« On dit que la chaleur tue les huîtres », ironise Norbert Jan. Le quinquagénaire a mis plusieurs années à apporter la preuve du contraire. Sans renoncer. « J’ai écumé tout le littoral africain à la recherche du bon endroit pour me lancer. Mauritanie, Guinée, Côte d’Ivoire… Deux de mes projets en Côte d’Ivoire ont été contrecarrés par les coups d’État à répétition… »

C’est finalement à la Somone qu’il pose ses valises, sur la côte au sud de Dakar. Son idée : voir comment y réagissent les naissains d’huîtres de l’Île-de-Ré, entre autres. « J’ai appris année après année, ça n’a pas été facile », avoue-t-il. Norbert Jan a dû s’y reprendre à plusieurs fois avant d’arriver à un résultat correct. « Parfois il y avait des crues, et de l’eau à 38° arrivait sur les lignes. L’écart de température était alors fatal. » Mais pas de quoi le décourager.DSC03485 (1)

Près de la lagune, au milieu des palétuviers luxuriants, s’étalent désormais ses 3,5 ha de filets, flottant à l’aide de polystyrène recyclé. Là, au milieu des pélicans et des sternes, coule une eau douce qui provient des sous-sols. Y parvient l’odeur iodée de l’océan, présent à quelques pas de là et séparé de la lagune par une étroite plage de sable.

Le bruit des vagues s’estompe. « Dans cet espace d’eau douce, il y a du phytoplancton à foison et peu d’espèces pour le manger. Cela, combiné à l’eau chaude et d’autres paramètres que j’ai réussi à maîtriser avec le temps, favorise un grossissement rapide des huîtres », détaille l’ostréiculteur, qui cultive aussi d’autres coquillages, des moules, des bulots…DSC03491 (1)

« Notre presqu’île de Quiberon »

Tous ces facteurs de croissance favorisent une maturité après quatre à six mois passés dans les lignes. Près de quatre fois plus rapide qu’en France. « D’octobre à juin, j’ai trois cycles de maturation. Parfois, cela déborde un peu sur la saison des pluies. La production d’un hectare équivaut à celle de douze hectares en Europe. » Un roulement à faire pâlir les ostréiculteurs les plus efficaces.

Les mauvaises langues diront qu’ils préfèrent la qualité à la quantité. Dommage, car les huîtres de Norbert, alias le Breton, accompagnées de leur citron, font affluer résidents et touristes chaque week-end pour les dégustations. Elles se vendent à Dakar, dans les plus grands restaurants de la capitale. Et il les exporte même dans la sous-région. Cette année, il tente un partenariat avec des revendeurs libanais, qui profitent de leur passage au Sénégal pour emporter ses huîtres.DSC03473 (1)

« On a notre presqu’île de Quiberon ici », s’amuse Norbert Jan. Il entretient une réputation solide qu’il s’est forgée depuis son installation, en 2000. Au bord de l’eau, des clients dégustent, unanimes, les fameux coquillages. Une pirogue passe dans un bourdonnement régulier. « J’ai aménagé un chenal pour ne pas qu’ils touchent les lignes », explique-t-il. La lagune, c’est aussi lui qui l’a façonnée en partie, en se faisant aider bien sûr. « On a déblayé. Là où se trouve le restaurant aujourd’hui, il y avait de l’eau. Ça a été un sacré chantier. » Norbert Jan ne regrette pas le temps où il était restaurateur-traiteur à Crac’h. « Je faisais des mariages, des réceptions. Mais j’ai fini par vendre. Je parcourais l’Afrique. J’avais envie de m’installer sur ce continent. »

Et de moucher les rabat-joie qui ne croyaient pas en son projet. Depuis, il voit passer devant son restaurant des files de gens, surtout pendant la saison sèche. Sa ferme conchylicole se trouve dans une réserve naturelle aménagée en sentier écologique. Elle offre l’occasion aux promeneurs de s’arrêter déguster tout en admirant le paysage. À 4 000 francs CFA la douzaine (6 €), c’est une invitation au voyage. De gros barbecues servent à les faire griller.

Une autre manière de s’initier au secret scellé de ses huîtres de l’impossible.

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